Les émotions – Du normal au pathologique

Stéphane RUSINEK
Nouvelle présentation – © Dunod 2014
128 pages

⭐️ ⭐️ ⭐️ ⭐️ •

🙂 J’ai plutôt bien aimé

Complet • Concis • Accessible

Bon petit ouvrage de psychologie, entre l’essai et l’étude, sur les modalités des émotions et leurs élaborations cognitives. Le propos est clair, bien renseigné et agréablement écrit. Il rassemble les dernières découvertes sur les émotions avec la qualité et la rigueur universitaire dans un format de poche. J’aurais aimé y trouver davantage d’applications pratiques, pour explorer ses propres mécanismes et développer une meilleure compréhension des schémas émotionnels.

LES ÉMOTIONS, ÇA SERT À QUOI ?

L’ensemble de l’ouvrage traite des émotions de l’être humain, de leurs implications dans les élaborations cognitives et des effets induits sur notre perception, nos pensées, nos ressentis et notre comportement.

Un orage affectif sur la conscience et le corps

Pour ceux qui veulent garder le contrôle, les émotions sont souvent vécues négativement car elles prennent possession de nos pensées, de nos réactions et affectent notre esprit rationnel. Ça peut être envahissant, débordant, perturbant. Pourtant, les émotions sont utiles. Elles sont une réponse adaptative, une impulsion à réguler un déséquilibre.

Une impulsion à réagir à notre environnement

L’émotion est une forme de stress, de focalisation, autour d’un enjeu nécessaire, initialement lié à la survie. Elle est généralement accompagnée d’une rupture homéostasique qui bouscule notre équilibre interne. D’abord utiles pour notre conservation, elles peuvent néanmoins poser problème. Car tout au long de la vie de l’individu, les émotions s’inscrivent aussi comme des schémas – des séquences émotions-ressentis-comportements qui deviennent automatiques et inconscientes. Et comme elles sont automatiques, elles s’avèrent souvent inadaptées à la réalité de la situation. Et c’est là qu’un problème peut apparaitre, et s’installer.

FAUT-IL SOIGNER SES ÉMOTIONS ?

Ici, l’auteur écarte de trancher ce qui est OK niveau émotion et ce qui ne l’est pas. Il invite déjà à étudier les différents modèles émotionnels et leurs élaborations. Il explicite ensuite les structures cognitives impliquées dans le mécanisme des émotions, notamment la mémoire. Enfin, il présente des méthodes d’évaluation illustrées d’expérimentations cliniques, de cas réels.

Quand ça devient gênant…

Savoir s’il faut soigner ses émotions tient principalement à la limite où elles posent problème. Or, la prise de conscience elle-même, constitue déjà un excellent moyen de réguler l’émotion et de la resituer à sa juste fonction.

Comment faire ?

Dans le prolongement de l’évaluation, l’auteur avance diverses approches et méthodes tirées du registre des thérapies cognitivo-comportementales. Des rapports d’expériences et de cas cliniques viennent illustrer ces modèles ; sans cependant proposer d’application concrète et pratique.

Aussi, pour compléter cet exposé, je vous propose plus bas quelques idées-clés piochées dans le texte ainsi que des exercices imaginés d’après les modèles et cas présentés.

En résumé

Les émotions sont des manifestations physiologiques et psychologiques normales. Et bien que leur variété, leur fréquence et leur brièveté rendent leur étude hasardeuse, elles restent une des meilleures clé d’accès, à la frontière du conscient et de l’inconscient ; dans la compréhension de la psychologie de l’être humain.

Idées au gré du texte :

« …depuis bien des temps, la sagesse tient dans la réflexion sans émotion. Job, Yoda… »
« L’émotion peut naître de la rupture homéostasique (déséquilibre physiologique), mais l’émotion est aussi la source, car elle déclenche… »
« Le sentiment est phénomène régulateur de l’action, l’émotion est dérégulatrice. »
« …les réponses les plus adaptées à certaines situations (…) des réponses rapides et efficaces, [sans] réflexion consciente. »
« …une meilleure mémorisation (…) congruente à l’émotion ressentie… »
« …une personne dans un état émotionnel positif voit son environnement plus positivement, elle est plus optimiste, elle est prête à prendre plus de risques…»
«…les plus anxieux jugent l’événement comme émotionnellement plus intense et plus négatif. »
« …la peur entraîne une exagération des sensations, des estimations subjectives, une minimisation des possibilités de suite et de survie. »
«… une demi-heure par jour de film humoristique réduit la tension artérielle, les risques d’infarctus. Les endorphines augmentent à l’idée même d’aller voir un film comique. »

ET QU’EST-CE QUE J’Y GAGNE ?

• Mieux conscientiser ses états physiologiques et émotionnels, voire les exprimer, permet de retrouver naturellement un état de relaxation et de confiance en soi.

• Mesurer l’amplitude du normal au pathologique c’est savoir où se situe la « norme » et où l’on se situe.

• Agir en conscience, c’est déjà soigner ses émotions. Et si les difficultés persistent, vous pouvez essayer les exercices suivants…

…ou cliquer sur contact

Et qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

😢 Plutôt orienté sur les modèles et les études, le livre ne prescrit ni solution, ni recette spécifique à pratiquer dans notre rapport aux émotions.

😉 Alors, voici mes suggestions-maison :

👉 Essayez-les, explorez-les, et recommencez encore… De l’entraînement viendra la force.

🌟 Suivre ces propositions en accompagnement individuel multiplie la qualité et les bénéfices du travail.

Considérez une situation qui provoque chez vous une émotion sensible. Si l’émotion est désagréable, vous pouvez la projeter devant vous, comme si vous étiez le spectateur d’une pièce de théâtre. Vous êtes libres de fermer les yeux pour mieux vous représenter la scène. Visualisez l’espace, les protagonistes, les objets, leur taille, les formes, les couleur, les textures. Une simple évocation de quelques formes est suffisante. Au début, inutile de viser une grande précision. Procédez par étape, élément par élément. L’image est-elle accompagnée d’un bruit caractéristique ou d’une ambiance sonore particulière ? Imaginez comment la scène se déploie, les dynamiques, les mouvements. Ressentez-vous une sensation dans le corps ? Où cela se situe-t-il, approximativement ? Précisément ?

Revenez à l’instant présent et mesurez votre émotion. Qu’est-ce qui a changé dans le ressenti ?

Expérimentez différentes réactions à ce qui se présente ; visualisez à nouveau la situation avec les intentions suivantes :

🔎 la Curiosité et l’Intérêt, l’Investissement. Portez une grande attention aux figures et aux objets de la scène, comme si vous vouliez les décrire à quelqu’un …

🤝 la Communauté et le Partage social. C’est un peu le coup de fil à un ami. Imaginez une conversation sur ce que vous voyez avec quelqu’un qui partage votre avis

⛔ l’Évitement, le Déni. Imaginez des pistes pour vous mettre à distance des éléments déclencheurs de l’émotion. Imaginez-vous quittant la représentation en cours de spectacle. Vous pouvez aussi faire baisser les voix, les sons, comme avec le bouton d’une télécommande, ou les couvrir d’une musique de votre choix. Vous pouvez aussi varier l’éclairage de la scène, comme si vous étiez le régisseur-lumière ; la plonger dans le noir ou au contraire, l’éblouir en allumant tous les projecteurs.

🔋 l’Évolution personnelle. Imaginez-vous comme metteur en scène, dirigeant l’histoire à votre intention. De quoi avez vous besoin, comment conduisez vous le déroulement des événements ?

💊 le Remède extérieur. Convoquez un objet magique, un produit antidote, un nouveau personnage…

L’état modifié de conscience peut aussi vous permettre d’expérimenter tour à tour toutes ces options 🌀

Imaginez les différents scénarios avec l’objet de votre émotion et construisez 3 situations, 3 répliques, 3 sorties de secours.

Ces exercices permettent d’augmenter l’apprentissage de réactions spécifiques, de canaliser la charge émotionnelle et l’évaluation négative de la situation et de réduire l’incertitude en emmagasinant de l’information.

Après tout ça, des émotions, vous en redemanderez !

Antoine Vallet